Mon séjour à Fredericton a été une expérience enrichissante sur bien des points.
À partir du moment où j'ai commencé à me passionner pour les voyages, j'ai aussi commencé à me passionner pour les langues. Je m'étais donné comme objectif de parler 5 langues avant l'âge de 25 ans! Bon j'ai 36 ans et je parle une vraie langue (français), je me débrouille bien en anglais et j'ai des bases en italien et espagnol. J’ai encore un bon bout de chemin à faire, mais je ne désespère pas.
Quand j'étais à l'école pour faire mon DEP en tourisme, j'ai entendu parler d'un programme d'immersion anglaise qui avait lieu dans plusieurs universités au partout Canada. On pouvait postuler pour obtenir une bourse. Les bourses étaient octroyées sur une base aléatoire, c'était par tirage au sort. Je n'ai pas eu de bourse cette année là et c'était la dernière année que j'étais admissible puisque c'était offert seulement aux étudiants. L'année suivante, j'ai décidé de m'inscrire au programme même si je n'avais pas de bourse. Je savais que l'investissement en vaudrait la peine.
J'ai choisi d'aller à Fredericton parce que l'endroit était reconnu pour être le plus sévère. Dans d'autres endroits, les règles étaient plus «lousses» et tout le monde finissait par se parler en français. Certaines villes offraient de loger en famille, alors souvent la famille voulait aussi apprendre à parler français. À Fredericton, le logement est à la résidence du campus universitaire. C'est sur que j'aurais aimé aussi aller à Calgary ou Vancouver, mais je voulais vraiment aller dans un endroit où j'avais le plus de chance d'apprendre. Aussi, pour Fredericton, je n'avais pas besoin de billet d'avion alors c'était beaucoup mieux pour le portefeuille surtout que je venais tout juste d'emménager en appart avec Érick.
En juillet 1997, je pars donc pour Fredericton pour un séjour de 5 semaines. Érick et ma sœur viennent me reconduire et on en profite pour partir quelques jours avant et visiter la Gaspésie et le Nouveau-Brunswick.
L'Université de Fredericton n'est pas très grande. C’est ce petit campus qui est devenu ma maison pour cinq semaines. Elle est bien située. Si on marche environ 15 minutes «up-town» (c'est vraiment en pente et c'est un bon cardio), on arrive dans un quartier où on retrouve le cinéma, le centre d'achat et les restos. Si on marche 15 minutes «downtown» (encore là ca descend vraiment), on arrive au centre-ville. Alors j'en ai marché un méchante «shot» pendant mon séjour!!! La résidence est sur le campus de l'université. Chaque participant partage une chambre avec une autre personne qui n'a pas la même langue maternelle. Moi, je partageais ma chambre avec une Japonaise. Sur chaque étage, il y a une salle de bain commune. Les repas se prennent à la cafétéria. La moitié des participants sont des Québécois ou des Acadiens, mais il y a des gens de partout dans le monde : Chine, Japon, Espagne, France, Allemagne, Corée, Italie, Brésil… C'est vraiment une expérience de vie en communauté.
Le premier jour, il y a un test de classement. Comme je suis bonne en test écrit (je réussi mieux un test qu'une conversation car le connais les règles de grammaire mais j'ai de la difficulté à les appliquer en parlant), je suis classée au niveau 5 et il y 6 niveaux (1=débutant et etc… chaque niveau a aussi des sous-niveaux).
Ici, le règlement est très sévère : interdiction totale de parler une autre langue que l'anglais; après 2 avertissements «you're out»! J'avais une casquette qui avait une inscription «Le Vieux-Port de Montréal» et j'ai dû mettre du «tape» dessus pour cacher l’inscription parce que c'était en français. Si on allait au cinéma, ca devait être en anglais. Et comme Fredericton est une petite ville, les habitants sont au courant du programme et ils nous ont à l'œil. À chaque semaine, on a droit à un appel en français. Je profitais de cet appel pour parler à ma mère qui ne parle pas anglais. Je devais donc parler à mon chum en anglais quand je l'appelais.
Deux jours après mon arrivée à Fredericton, la responsable du programme est venue me chercher dans un cours pour me dire que j'avais un appel. J'ai trouvé ca vraiment inquiétant. Elle m'a amené dans une pièce avec un téléphone et m'a laissée seule. Ma mère m'a annoncé que mon grand-père était décédé. J'étais vraiment très proche de mon grand-père. Ma réaction a dû être assez forte parce qu'aussitôt que j'ai raccroché, la dame m'attendait avec une boite de kleenex; elle m'avait entendu exploser en sanglots. J'ai demandé une permission spéciale pour m'absenter du campus et on m'a accordé 48 heures. Je suis donc partie par l'autobus de 19h et je me suis tapé un 12 heures de bus avec des millions d'arrêts. Quand je suis arrivée au terminus au centre-ville de Montréal à 7h, Érick et ma mère étaient venus me chercher. J'ai pu assister aux funérailles de mon grand-père. J’ai passée la nuit chez moi puis je suis repartie le lendemain matin à 7h pour un autre 12h de bus. Je ne voulais tellement pas y retourner. Je me suis dit «j'y retourne pour aller chercher mes affaires et je reviens». Mais j'ai eu 12h de bus pour y penser et je savais que mon grand-père était fier que je fasse ce programme alors j'ai décidé de continuer jusqu'au bout.
Dans un de mes cours, j'ai rencontré ma meilleure amie : Karine. Elle était comme un rayon de soleil, une petite boule d'énergie. Il y a des personnes comme elle qui, quand on les rencontre la première fois, on se dit «j'aimerais qu'elle soit mon amie». On s'est tout de suite bien entendue, mais bizarrement on ne s'est pas vraiment tenu ensemble à Fredericton. On est sorties quelques fois ensemble avec des amis au bar du campus (le «Social Club»!), mais on avait chacune d'autres amies avec qui on passait plus de temps. Notre amitié s'est plus développée après notre retour. On avait rencontré un gars qui nous avait offert de nous faire un «lift» jusqu'à Lévis à la fin du séjour. Mon chum était venu nous chercher à Lévis pour nous ramener à Montréal. On a donc eu beaucoup de temps pour jaser. En allant la reconduire chez elle, on a aussi rencontré son chum, Alex. Érick et moi avons décidé que nous aimerions les revoir.
Pendant mon séjour à Fredericton j'ai beaucoup appris. J'ai appris au niveau de la langue. À force de ne parler qu'en anglais, de vivre au quotidien en anglais, on finit par penser et rêver en anglais. C'est fou comment le cerveau s'adapte. Dans les cours aussi j'ai acquis beaucoup de connaissances. J'ai même fait partie d'une chorale pour m'aider à améliorer mon accent et ma prononciation. J'ai aussi beaucoup appris au niveau humain. Ce n'est pas toujours évident de vivre en communauté. On est jamais seul; on partage notre chambre, on partage la salle de bain, on partage nos repas. Ca nous fait travailler sur nous-mêmes. Aussi, j'ai rencontré beaucoup de gens super intéressants et venant de cultures différentes. J'étais souvent avec une Acadienne de Tracadie au Nouveau-Brunswick, Lucie. Elle était très gentille, mais je pense qu'elle avait une dent contre les Québécois. Elle ne comprenait pas qu'on veuille l'indépendance du Québec, ce qui impliquait, selon elle, qu'on n'était pas solidaires avec eux qui étaient aussi francophones. Je ne l'ai jamais revu ni parlé après. Dommage. Il n'y avait pas Facebook dans ce temps.
Un jour au centre d’achat, une dame m’a arrêté. Elle avait déduit que je faisais partie du programme d’immersion et elle était curieuse de connaître les raisons qui m’avaient amenée à vouloir y participer. Je lui ai dit que je voulais apprendre l’anglais. Alors elle m’a dit une chose tellement stupide : «Je ne vous comprends pas, vous les Québécois : vous détestez les Anglais, mais vous voulez apprendre l’anglais!». Je n’en revenais pas! Il ne fait pas oublier qu’on était en 1997, soit deux ans après le référendum. Pour moi, cette remarque me prouvait que le Canada anglais n’avait rien compris! J’ai tenté de lui expliquer que nous ne détestons pas les Anglais, nous voulons simplement nous gérer nous-mêmes car nous n’avons pas la même culture, les mêmes besoins, les mêmes intérêts. C’est comme si on était deux pays en un : deux langues, deux histoires, deux façons de voir. J’ai voulu lui expliquer un peu notre vision, mais elle était complètement fermée. De mon côté, je connaissais moins l’Histoire qu’aujourd’hui, alors mes arguments étaient moins convaincants. Mais après cette discussion plutôt animée, j’étais vraiment fière d’avoir pu argumenter en anglais.
Les soirs, on allait au cinéma ou on allait magasiner ou on sortait au Social Club. Quand on allait au Social Club, c’était le party. C’était un bar directement sur le campus alors on n’avait pas à ce soucier du transport. Un soir, j’ai pris une solide brosse! Évidemment, j’ai été malade. Et pour ajouter à ma peine, il y avait une sortie très tôt le lendemain matin…en autobus! Par chance, Karine m’a aidée toute la journée. Et le soir, j’ai remis mon estomac en ordre avec une poutine et un cornet…rien de mieux pour se remettre d’un lendemain de vielle!
Comme je l’ai mentionné plus tôt, un gars du programme qui était venu en voiture et qui habitait à Lévis nous a proposé de nous embarquer, Karine et moi, jusque là. Ce gars conduisait tellement mal! Quand il jasait, il ne regardait pas la route. Karine et moi avons été stressées tout le long du trajet. Mais on a beaucoup parlé et on a appris à se connaître un peu plus. Érick est donc venu nous chercher au Normandin de Lévis. J’étais vraiment contente de le revoir après cinq semaines! Karine a pu faire connaissance avec lui jusqu’à Montréal. En arrivant chez Karine, Alex, son chum, l’attendait. On a jasé un peu et on s’est dit qu’on se rappellerait. En rembarquant dans la voiture, j’avais hâte de savoir ce qu’avait pensé Érick parce que moi j’avais beaucoup envie de les revoir. Je n’étais pas trop sûre de ce qu’allait dire Érick parce qu’à cette époque Alex avait un peu un petit look «gino» et Érick avait horreur des ginos! Mais comme Alex est si attachant, Érick m’a dit qu’il aimerait bien qu’on les revoit. Yé! Aujourd’hui, Karine et Alex font maintenant partie de nos vies, ils font partie de notre famille!
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